Etre
fan de jeux-vidéo en 2015 c'est être conscient de vivre l'âge
d'or des jeux indépendants. Et si vous ne l'avez pas encore compris,
secouez-vous ! Car si depuis 2005 environ le milieu de
l' « indie games » connaît un essor exponentiel,
notamment grâce à l'apparition des kick-starter et des plateformes
de téléchargement de jeux dématérialisés, le marché commence à
montrer certains signes de faiblesse. En effet, les plateformes
commençant à être saturées et il devient difficile de se
démarquer sans avoir un budget marketing conséquent. Même les gros
éditeurs profitent de la vague des financements participatifs pour
lancer certains de leurs jeux à gros budget, et ce sans honte...
L'avénement des jeux mobiles en free to play, dont la production
n'est pas toujours des plus soignée, n'est pas pour arranger
l'affaire. Car même si les producteurs de jeux mobiles peuvent
également être considérés comme « indépendant », ils
ne jouent cependant pas dans le même registre.
« C'que
j'kiffe dans les jeux « indé » c'est l'côté « arty »
tu vois. »
Qu'est-ce
qui fait qu'un jeu entre dans la catégorie « indé » en
vogue actuellement ? Doit-il se distinguer par son originalité
créative ? Doit-il s'efforcer de garder son indépendance
financière ? Évidement, les deux sont forcément liés, le but
étant de n'avoir de compte à rendre à personne si ce n'est aux
joueurs ayant directement financé le jeu. Le marché foisonne ainsi
de petites pépites d'ingéniosité et de créativité, qui tirent en
avant tout le monde du jeux-vidéo. En effet, dans les années 90,
les concepteurs avaient eu tendance à se reposer – voir à
s'endormir – lors du passage à la 3d, en se focalisant sur des
graphismes se voulant toujours plus beaux, et ce en négligeant presque
systématiquement le gameplay.
Her
Story fait partie des jeux qui, dans un premier temps,
surprennent le joueur par son originalité, puis l'embarque violemment dans une histoire de qualité. Plus on avance dans le jeu,
plus on réalise à quel point les concepteurs ont été bons. A la
tête de ce projet vous trouvez un homme, Sam Barlow, qui, après
avoir travaillé aux Climax Studios jusqu'en 2014 et ayant
réalisé deux épisodes de la série Silent Hill (Silent Hill :
Origins et Silent Hill
Shatered Memory), se lance en tant qu'indépendant. Her Story
est sa première production avec ce statut et je vous le dis
d'entrée : c'est une belle réussite.
Vous
vous retrouvez face à l'interface d'un ordinateur. Sur le bureau: une
poubelle, des fichiers, un jeu et une base de donnée. En fouinant
sur ce bureau vous comprenez rapidement que vous êtes dans un bureau
de la police et que vous avez accès à l'audition filmée d'une
femme. En raison d'inondations ayant eu lieu dans le passé, les
vidéos ne sont plus dans l'ordre. Votre mission est donc, à l'aide
d'un moteur de recherche, d’insérer les mots clés afin d'accéder
aux différentes vidéos. Petit à petit, au fil des découvertes,
les pièces du puzzles vont s'assembler et vous laisser découvrir le
fin mot de l'histoire. Le gameplay est donc plus qu'accessible,
puisque si vous êtes capable de chercher une information sur google,
vous pourrez vous débrouiller dans ce jeu.
Allo ?
Ciao Marco ! Ca va ? Ouais c'est un jeux avec des énigmes,
tu viens m'aider ?
Si
souvent les jeux indépendants sont des hommages à certains pans du
jeu rétro, le jeu Her Story fait clairement référence à
une catégorie de jeux populaire dans les années nonante : les
FMV, pour full motion video. Sont alors parus des jeux comme
Phantasmagoria, 7th Guest,
11th hour, X-files et Bad
mojo qui usaient tous de l'avantage principal des cd-rom en
proposant des vidéos intégrées directement aux jeux. La plupart
des FMV étaient des click and play, ou d'un genre proche du film
interactif. Les jeux de recherches étant bourrés d'énigmes de type
cliquo-mystiennes qui m’insupportent, j'ai appelé mon pote Marco
qui lui en raffole.
Mais
si en effet il y a quelque chose du film interactif dans Her
Story, c'est d'une manière totalement novatrice que Sam Barlow
aborde le thème. Car l'interface ne vous servant qu'à consulter les
vidéos, vous allez très vite devoir sortir votre vieux bloc de
papier jauni et poussiéreux, et regarder s'il vous reste par hasard
un stylo qui n'est pas sec, essor du numérique oblige. Et ça c'est
beau, presque miraculeux. Merci Mister Barlow !
C'est
bizarre, cette fois-ci Dimitri ne nous a pas fait une théorie sur la
narration dans les jeux-vidéo.
J'y
viens. Si vous avez lu mes derniers tests sur lucienetdimitrijouentauxjeuxvideo.com, vous savez que je me plais à étudier la
narration dans le jeu-vidéo. En effet, je supporte mal les jeux qui
usent des codes du cinéma ou d'autres médias, car dans la plupart
des cas, les développeurs le font pour des raisons de simplicité et
de rentabilité : ils devront ainsi moins réfléchir et
toucheront un plus grand public. Her Story incarne
parfaitement la catégorie des jeux qui développent une narration
propre au média vidéoludique sans dépendre totalement des codes
cinématographique. Vous allez ainsi petit à petit vous immerger
dans un scénario qui, en plus d'être de grande qualité, est
parfaitement adapté à la configuration du gameplay. Je ne me
risquerai pas ici à vous spoiler l'histoire, mais elle relève d'un
thriller de qualité.
Le
défi pour le réalisateur a donc été de concevoir un scénario
pouvant être abordé dans un ordre aléatoire. Le découpage des
scènes a également du se plier à la contrainte. C'est donc le
principe même du montage qui est repensé ! Sergueï
Eisenstein, grand théoricien du cinéma russe du début du XXe
siècle, en aurait été tout excité. La linéarité de l'histoire
n'existe plus, en tout cas dans la phase de découverte. Et si assez
vite on constate que l'on va vivre une aventure totalement nouvelle,
on se demande également comment sa conclusion va se marquer. Et sur ce
point, les développeurs ont également su trouver une solution
appropriée. Après quelques heures de recherches, le jeu détecte
que vous avez débloquer l'accès aux vidéos essentielles pour
démasquer le suspect. Vous recevrez alors un e-mail qui grâce à un
twist scénaristique marquera la fin de l'aventure, sans toutefois
vous empêcher d’approfondir vos recherches.
Hé
oui, c'est très bien pensé. Au niveau graphique, ça ne casse pas
des briques, mais la restitution de l'aspect « vieille VHS »
est très appréciable. Bien sûr, mon collègue Marco étant un
véritable maniaque du 100%, nous nous sommes efforcés de trouver
les accès à la totalité des vidéos, mais ceci n'est pas
obligatoire. Car comme à la sortie du cinéma après un bon thriller, Her
Story arrive à nous pousser à la cogitation une fois le jeu
terminé. C'est donc une expérience que je vous recommande vivement.
Si le jeu ne va pas autant loin qu'un In Memoriam - le
principal représentant des jeux dits en réalité alternée -
nous sommes face à un très bon jeu-vidéo, qui sublime le genre du
film interactif.
Note :
Un A+ pour un peu moins de 6€.
Mention :
Saluons le très bon jeu de l'actrice Viva Seifert. Bravo !
Dimitri
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster vos commentaires!