Il y a vingt-sept ans, quasiment jour pour jour, sortait la légendaire Super Nintendo. À cette époque, Xamax participait à la Coupe d'Europe des vainqueurs de coupe, Flavio Cotti allait succéder à Arnold Köller à la tête de la confédération et on se remettait à peine du tube de l'été, "Bo le lavavo" de Lagaf'.
Depuis tout a changé, dans le monde et dans l'univers du jeu vidéo. Quasiment tout, sauf l'enthousiasme suscité par Nintendo auprès des joueurs. À la sortie de la mini NES, l'an dernier, les 80'000 exemplaires de la console miniaturisée s'étaient écoulés à la vitesse de l'éclair. Vendredi dernier, lorsque la mini SNES est sortie en magasin, tous les exemplaires étaient déjà réservés et la petite console, qui tient dans la paume de la main, n'a pas eu le temps de trouver son chemin jusqu'aux rayons. Est-ce que la tendance du vintage explique ce phénomène ? Pas totalement, parce que chaque année, des fabricants de jouets achètent les droits d'anciennes machines Sega ou Atari. La différence, outre la qualité de l'objet, produit officiel Nintendo fabriqué avec le souçi du détail de la firme japonaise, est-elle dans la qualité des jeux ? Difficile d'expliquer l'engouement pour la mini Snes par la perspective de jouer à Earthbound sur son écran HDMI. Alors quoi ? Comment comprendre cette ruée ?
J'ai eu la chance d'obtenir cette console de poche avec ses deux manettes à six boutons. Sur les vingt-et-un jeux pré-installés dans la console, j'en avais parcouru une dizaine dans ma prime jeunesse et j'allais en découvrir l'autre moitié. Je sais que la Super Nintendo est la référence des consoles de seconde génération, sans surprise, je vais en apprécier les jeux sélectionnés pour cette console. Ce n'est pas très intéressant de connaître l'avis d'un joueur empreint de nostalgie. Ce qui est intéressant, c'est de connaître l'avis de joueurs réguliers qui n'ont jamais eu accès à cette console et à ces jeux. Vous pensez que c'est difficile ? J'avais justement trois jeunes joueurs sous la main, qui n'avaient jamais touché la mythique manette à six boutons de la SNES.
Vous avez peut-être vu cette vidéo, qui circulait il y a peu : un père taquin mettait entre les mains de sa fille de quatre-cinq ans une Game Boy Color. La petite, empruntée, tentait d'allumer la console en glissant son index sur l'écran, comme sur un iPhone. Cette vidéo, moqueuse, présente la prochaine génération de joueurs comme des empotés. Convaincu que nos enfants auront au contraire beaucoup à nous apprendre, j'ai branché la mini Snes et proposé à mon petit panel de jeunes gamers d'étrenner ma console. Il va sans dire qu'ils étaient très volontaires et très motivés.
Pas de grande surprise, les trois enfants (7,6 et 5 ans) ont saisi la manette comme il faut, placer leurs petits doigts mignons pile là où c'était prévu. Ils ont parcouru une dizaine de jeux. Voici l'impression d'un enfant de six ans :
"J'ai bien aimé comment étaient dessinés les personnages et les combats entre eux. Mon préféré c'est celui que je pense qui est le plus fort, celui qui peut devenir un peu long [Dhalsim]. Il allonge ses membres et si tu réfléchis bien et que tu es rapide, tu peux toucher l'autre tout le temps. Celui que je trouve le moins bon, c'est Ryu. Je pense pas que c'est le moins fort mais son kaméhaméha [shoryuken] pour moi c'est un peu difficile. La fille que tu prends aussi je trouve moins forte [Chun-Li] parce que ses kaméhaméha ils sont difficiles et moins gros. Je l'aime pas trop. J'ai envie d'y rejouer en prenant le gros qui fait les mille baffes [Honda]. J'ai trouvé que le jeu était moyen beau, moyen moche. Je veux dire encore que j'ai bien aimé celui qui est en slip, qui n'a pas de super attaques mais qui est super fort [Zangief]. Je sais qu'on y avait déjà joué parce que j'ai reconnu un personnage avec une casquette que j'avais utilisé dans un jeu mieux dessiné [M.Bison de SFV]."
"C'était joli, un peu comme Yoshi en laine [Yoshi Wolly World, dont vous pouvez lire le test ici, par le même enfant]. Mais ce qui était pas bien, c'est qu'il y avait vite des endroits où y'avait plein d'ennemis, on ne pouvait pas les éviter et chaque fois qu'on est touché, Mario il part de notre dos et il crie à la mort et quand on veut le reprendre, y'a un autre ennemi qui nous touche, c'est assez compliqué."
"J'ai bien aimé parce que c'est comme dans Mario Maker sur la Wii, c'est de là qu'ils ont pris une version des images, alors j'aimais bien voir d'où ça vient. C'était sympa de jouer chacun son tour, mais c'était plus difficile que Mario 3D world."
"C'était très beau et vraiment bien, ce qui était dommage c'est qu'on jouait les deux mais chacun son tour. J'ai bien aimé mais moi j'aurais un peu plus adoré si on avait eu Diddy Kong et Donkey Kong qui jouaient en même temps et qui s'aidaient. J'aimerais bien le finir. C'était moyen dur."
"C'était trop dur, les circuits étaient trop petits et on pouvait pas bien tourner". Les enfants ont spontanément incliné la manette en jouant à Mario Kart, comme sur Wii.
Celui-là, vraiment, les gens qui l'ont inventé ils se sont dits qu'ils allaient faire un jeu impossible. Déjà dès qu'on a commencé on est morts alors le boss il serait vraiment impossible. Ceux qui ont fait ce jeu ils sont devenus fous de la difficulté.
"Ha mais c'est le jeu du Capitaine Falcon ! Je reconnais parce qu'il y a un niveau à Smash Bros où c'est le sien et qui ressemble à ce circuit. Ca fait un peu mal aux yeux et ma voiture a explosé. Je crois que c'était parce que j'avais plus de batterie"
À l'unanimité, les enfants ont préféré jouer à Street Fighter II Turbo. Étrangement, c'est Zangief qui a eu leur faveur et qu'ils réussissaient le mieux à manier. Ils ont demandé comment on allumait la manette et c'est à peu près le seul choc générationnel qu'ils ont eu à verbaliser. Alors que ces enfants ont découvert les jeux vidéo sur PS4, qu'ils ont maîtrisé les Skylanders, les Mario en 3D et les jeux Lego, malgré tout cela, ils apprécient autant que nous, à leur âge, nous avions apprécié ces petits bijoux de jeux vidéo. Nintendo a réussi à créer des jeux intemporels, simples mais complexes, usés mais beaux, qui fonctionnent mieux et que les enfants s'approprient plus facilement que le dizaines de jeux anonymes et sans âme qui déferlent désormais sur iPad ou sur consoles de dernière génération. Voilà la magie de Nintendo, qui opère toujours aujourd'hui. Malgré la mort prophétisé de la marque japonaise suite à l'émergence sur le marché de Sony et Microsoft, corporations toutes-puissantes, Nintendo affiche une grande forme, prévoyant que sa Switch dépassera en 2022 le record des 130 millions de consoles vendues, un record toujours détenu par sa Game Boy.
Lucien
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