J’ai le plaisir de tester le jeu mythique des studios Ico, j’ai nommé Ico. Malheureusement, souffrant d’une forte diarrhée depuis quelques jours, je n’aurai pas la force de rédiger ce test seul. Je passe donc la parole à Xiao Tchang, un ami et dessinateur émérite se vouant corps et âmes à l’écriture depuis quelques temps, et qui - c’est ce qui nous intéresse présentement - a été mon compagnon de canapé durant toute l’épopée icoesque.
Pour ma part, Ico est un jeu culte qui mérite un A, bien qu’il n’est pas exempt de quelques défauts dont mon ami va vous parler. Xiao c’est à toi:
Pour ma part, Ico est un jeu culte qui mérite un A, bien qu’il n’est pas exempt de quelques défauts dont mon ami va vous parler. Xiao c’est à toi:
Ico
l'iconoclaste?
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(la nintendo de Proust)
Un jour, Dimitri m'a dit qu'il avait repris goût aux jeux vidéo - et pas pour déconner! - ; de ce fait, nous nous découvrîmes un nouveau sujet commun de conversation, alors que nous étions amis depuis quelques années. Tout un chacun peut aisément s'imaginer l'Enfance: le bac à sable, la balançoire, les cerfs-volants… des objets, des expériences transitant à travers, entre, et par delà les générations.
Mais d'autres objets, d'autres expériences, comme le début de l'ère des jeux virtuels, que l'on nomme communément "jeu vidéo", parlent, comme des évènements sans précédent, qui ne se sont produit qu'une seule fois, à l'enfant gâté qui a vécu ces bouleversements et qui s'en est passionné.
L'expérience, que j'ai observé chez l'autre ou que j'ai senti en moi, était une sorte de madeleine de Proust, lorsque d'une boîte, qui devait être vieille de 20 ans, se dégagea une singulière odeur de plastique à son ouverture. La console de jeu, enveloppée et conservée dans sa boite d'origine, contenant des câbles, des blocs de sagex, parfuma en souvenirs les narines d'adulte que nous étions devenus. Puis, tout à coup, les sens se rappelaient l'enfant: Les yeux hagards témoignaient d'un éblouissement devant de gros pixels, de couleurs criardes, épileptiques; l'ouïe riait de musiques hyper compressées, géniales et horribles à la fois; les doigts se crispèrent sur les boutons en plastique, et caressèrent les manettes de contrôle étrangement devenues petites et légères; puis, le goût, le goût des mots, du jargon, de notre enfance, fut prégnant, sucré, presque bonbon.
(le rendez-vous Ico)
Depuis cette engouement retrouvé, un jour, Dimitri et moi-même avions conclu d'un commun accord, curieux, et enthousiaste, d'un jeu à terminer ensemble: Ico.
D'une part, Dimitri possédait le jeu, et d'autre part, aucun de nous deux n'y avait joué à l'époque de sa sortie. De plus, Ico avait été accueilli par d'excellentes critiques. Pour celui qui était alors féru de consoles et de jeux vidéo, la lecture des revues spécialisées, des magazines, allait de soi. C'était l'âge d'or de cette presse papier glacé, bien avant l'avènement de l'internet, des écrans rétina, de Youtube, du streaming, et caetera, et caetera. Avant c'était pas mieux! c'était parfois même la chienlit, il fallait aller en kiosque et apprendre la patience à attendre la parution et la distribution du magazine recherché; au moins, en retirait-on substantiellement un peu de savoir vivre. Par ailleurs, à cet âge, mon oeil commençait à lorgner en direction des filles nues sur les couvertures de magazines pour adultes; mais la vendeuse ne manquait pas de lancer des regards électriques, de son comptoir. Mais c'est une autre histoire.
(concernant le jeu)
Revenons au sujet, et procédons par quelques informations. Ico, qui a été commercialisé en 2001, est sorti sur la console de jeu Playstation 2. J'avais donc, 14 ans à sa commercialisation. Il a été conçu par un japonais, Fumito Ueda, qui continue encore aujourd'hui la conception et la réalisation de jeux vidéo. C'est en 1997, qu'il entreprit l'idée d'un jeu original: Ico: Jeu à l'apparence simple, épuré et sans rapport avec ce que le marché du jeu vidéo proposait avant les années 2000. FU avait, en 1997, vingt-huit ans et même si cela n'a aucune signification, j'avais également 28 ans, lorsque j'y ai joué avec Dimitri en 2015.
L'originalité de ce jeu reposait dans son rapport entre un personnage miniature et un gigantisme enveloppant de décors réalistes. Il n'avait pas son pareil à l'époque et c'est également ce qui faillit être la perte et l'abandon de ce projet, qui fut initialement conçu pour la console de jeu Playstation (1). Des problèmes survinrent à cause du manque de puissance de la Playstation, qui mit des bâtons dans les roues à l'avancement des idées ambitieuses d'Ueda, mises en réelle application. Pour ne pas tout abandonner, il sera décidé d'attendre l'arrivée de la Playstation 2, offrant de plus grandes possibilités et perspectives.
Dans mes souvenirs et sans y avoir joué à l'époque, ce jeu n'avait pas d'autres aspects signifiants, en terme d'originalité. Il me semble aussi, qu'à sa sortie, une aura de mystère planait autour de lui et peu de gens que je connaissais y avaient joué. Malgré cela, son esthétisme et les critiques positives firent que nous nous souvenions de son nom et que nous étions encore, à ce jour, intrigués par ce jeu vidéo.
(le territoire sans carte)
L'histoire sonna comme un résumé tout court, tant il fut ramenée au plus simple appareil; procédé que certain ont nommé dans l'article Wikipédia, concernant l'élaboration d'Ico, "concept par soustraction", est celui-ci: Un jeune garçon se nomme Ico. Il est vêtu d'habits d'une civilisation imaginaire, sa tête porte des cornes et il parle aussi une langue imaginaire. Et je n'irai pas plus loin dans une description trop secondaire du jeu. Le fond, la trame, et on pourrait dire le tout, c'est un garçon et une fille qui sont enfermé par des hommes dans un château hanté par des fantômes et une sorcière maléfique. De là, les enfants tente de s'échapper.
Sur ces bribes, rien n'est développé ou explicité au delà ce stade embryonnaire. Nous pouvons nous mettre d'accord, sur le fait qu'il y a une grande peinture, une grande musique, ou une importante littérature, qui a réduit au maximum les moyens, les gestes, les interventions et les idées, pour plus de contrainte, qui a servi d'impulsion à la créativité. Mais dans ce cas, et durant tout le jeu, on ne témoigne que d'artifices… Les deux protagonistes, l'un actif et l'autre passif, souffrent d'être non moins que des pions, des poids, que l'on avance, que l'on recule; certes, dans un univers fabuleux dans son réalisme "paysagesque", mais somme toute inutile quand au développement du sens, ou du pur divertissement. Ce ne sont "que" des successions répétitives de tentative d'élucidations des casse-tête, vers d'autres casse-tête, finalement casse-pieds. En quelques sens, je vois sous un autre jour les propos de FU, ou en tout cas ceux qui sont rapportés comme tels, de sa volonté de faire de l'art par le biais du jeux vidéo. Les similarités avec un certain art contemporain, critiqué, saute aux yeux. Oui, l'art s'est posé la question de ce qu'est le réel, mais l'art sans âme, sans l'âme de celui qui le produit, est-il encore de l'art? Ne partant que d'idée, d'idées, d'idées, ce que l'on appelle idées reçues, il n'y a là aucune chair, aucune perception, aucune prise de risque ou juste intuition, portée sur l'hypothétique réel que nulle autre n'a déjà formulé. Et à ce compte, nous ne baignons que dans du trois cuillerées à pot d'idées, plus un nappage obligatoire de concepts, pour que finalement le rideau de la justification ne tienne plus qu'à un fil et tombe parterre. Notez que le rideau ne tombe pas toujours et peut très bien tenir à quelques bouts de fil, si l'on ferme un peu les yeux.
Ce que je veux dire, en conclusion, c'est que Ico m'a beaucoup déçu sur le fond. Il fait parti de ces jeux, sans doute important dans l'histoire du jeu vidéo, mais qu'on ne ressort pas de la boîte. Trop de répétitions, d'itérations et puis rien de ce que nous faisions dans le jeu n'établissait un quelconque sens. Tout ceci fit que peu à peu mon intérêt se délitât même à ce qu'il restait de somptueux, les décors, et avancer ainsi dans le jeu jusqu'à son point de chute était fucking pointless, comme on dit en bon français.
(le réel devant la télé)
La console fut installée sur la table basse et branchée à la télévision à tube cathodique; coquetterie de puriste. Le tube cathodique est une sorte de canon dirigé vers vous, et qui vous bombarde d'un faisceau d'électrons. Une image physique se créé quelque part, entre le spectateur et le canon. D’ailleurs, je suppose que mon exposition dès mon plus jeune âge au canon cathodique est la cause du résultat de ma myopie. Bref, tout était en place, le disque du jeu ronronnait dans la console, et nous fûmes prêts et assis confortablement dans un silence d'église.
-Bon, t'es prêt Xiao?
-Ouais vas-y commence.
-Oh putain!
-Quoi?
-La manette a vibré.
Ico est sorti du cercueil. C'est quoi les boutons? Ah, ouais. Sauter…
Je vais aller par là.
Quelques minutes plus tard, Dimitri et moi, dans une coordination impeccable, piochions dans le saladier à chips et nous passions tour à tour la manette. Ico avait sorti Yorda de sa cage.
-On n'est pas déjà passer par là? Y a rien ici…
-Ah, je sais, faut que t'aille là-bas! Enfin, je crois.
-Merde, elle est passée où la fille?
-Fais chier! on l'a oublié quelque part. Et voilà! y a les ombres qui vont rappliquer sur elle.
-Elle va se faire pincer la coquine…
-Allez vite rattrape là. Tape-les avec le bâton. Vas-y!… Ouais joli.
-Purée, c'était limite.
Les minutes devinrent des heures et nous continuions à nous passer la manette, sans plus piocher dans le bol de chips qui était vide. Le soleil était non loin de se coucher.
-T'as vu le paysage?
-C’était bien fait pour l'époque…
Le temps passa encore, on avançait dans le jeu et les décors, en résolvant des énigmes pas très complexes; mais très répétitives.
-Y se passe pas grand chose…
-Ouais, je le trouve un peu linéaire ce jeu. Tu veux aller manger quelque chose?
-Ouais, on va où? Un kebab, ça te dit?
-Ok.
Sur une terrasse, pendant que la saison de l'été le permettait encore, nous mangions et sur un tout autre sujet bavardions ensemble. De retour chez Dimitri, nous digérions les sandwich en continuant à jouer.
-Purée, je suis encore tombé! Putain, j'en ai marre. Tiens vas-y toi.
-Passe-moi la manette. Oumpo! Oumpo!
C'est l’appel que le héros criait pour faire revenir Yorda près de lui.
-On… Oumpo, coupe… Oumpo! le son?
-Oumpo! d'accord.
Au delà de la moitié du jeu, que l'on a délaissé à deux reprises et repris sur trois jours différents pour le finir en 8 heures, nous en avions un peu marre jusqu’à la fin.
-Argh, on arrive au bout du jeu, je crois.
-Oh! Yes..., on l’a terminé. Mission accompli Dimitri.
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