The
Park est un jeu dont la vocation est de faire vivre une expérience
émotionnelle forte : nous faire peur. Avoir les flopettes en jouant,
peinard dans son canapé, c'est pas tous les jours qu'on me le
propose alors quand l'éditeur me promet que je vais en avoir plein
les mirettes, je suis faible et je le crois.
On
prend en main une jeune veuve qui rencontre quelques menus problèmes
psychologiques, qui va malencontreusement laisser son fiston, Callum,
entrer dans un parc d'attraction fermé, juste avant la tombée de la
nuit. Pas trop vache, l'ouvreur nous laisse entrer pour chercher
notre rejeton, qu'on va passer deux heures à appeler en martelant la
touche rond pour qu'il nous réponde et qu'on s'oriente par rapport à
sa petite voix lointaine. On évolue comme ça, sur des rails, dans
un environnement moche. Parfois, on peut interagir avec des vieux
papiers chiffonnés qui traînent par terre, des peluches énuclées
ou des attractions. Parce que malgré la situation un peu stressante
d'avoir paumé notre fils dans un parc bien glauque hanté par un
écureuil géant à yeux rouges et un mystérieux inconnu en haut de
forme, il est scripté qu'on se tape toutes les attractions du parc.
C'est le bon sens : la première chose que ferait n'importe quel
adulte censé s'il perdait son fils à Disneyland, ce serait
commencer par un petit Space Mountain. D'autant plus que les phases
d'attraction sont parmi les scènes les plus ennuyeuses que j'ai
rencontré dans un jeu vidéo : on est assis, on ne peut rien faire,
à part se voir défiler dans un univers sombre et moche pendant dix
minutes. Sans pouvoir interagir, interrompre l'action ou
s'auto-énuquer. Finalement, en deux heures, on a fait le tour du
Park, on n'a pas eu peur et on a rien pigé. Aucune explication
concernant le dit écureuil ou l'autre type en haut de forme. Parce
qu'en fait, The Park a été fabriqué par les créateurs de Secret
World, un mmorpg orienté "enquête et complots", qui a le
mérite d'être original et moche. Ça vaut la peine de mentionner
celui-ci car le Park dans lequel on évolue est à la base une zone
de Secret World, où on va en rencontrer un ennemi récurrent (ça ne
veut pas dire qu'il nettoie les sols). Mais si on a jamais joué à
Secret World (ce qui est notre cas à tous), on en sait rien. Et on
comprendra rien à l'intrigue. Il a fallu que je cherche par
curiosité l'explication du "scénario" pour que je
découvre ce lien avec le scénario de Secret World. Un comble. Mais
ce n'est pas tant pour le scénario que j'avais décidé de tenter
The Park. C'était pour avoir les chocottes. Ca a un peu marché,
mais pas trop. Des fois, l'environnement était flippant. Des fois,
j'apercevais au loin la silhouette du type zarbi en haut de forme et
c'était pas mal. Des fois aussi, je croyais qu'il y avait des
touffes d'herbe qui apparaissaient et disparaissaient, mais c'était
juste un problème sérieux de bugs.
Donc,
malgré un contexte glauque inspiré par des valeurs sûres soit : un
endroit flippant (le parc d'attraction détourné et parcouru de
nuit, cf. The Killing Joke), une situation de base flippante (la
disparition de son fiston, cf. Heavy Rain), un méchant flippant (un
type avec un chapeau haut-de-forme, cf To Live and Let die), The Park
n'a pas réussi à me faire peur. Est-ce que ça veut dire qu'on ne
peut pas avoir peur durant un jeu vidéo ? Si vous faites un tour sur
youtube, vous pourrez pourtant voir plein de types qui se sont filmés
en train de jouer à ce jeu et dont les vidéos ont eu beaucoup
de succès : ils crient, ils sursautent et c'est rigolo. Moi aussi,
j'ai presque un peu sursauté. Mais je n'ai pas eu peur. Il y a une
grosse différence, devant un film ou un jeu vidéo, entre sursauter
de surprise et avoir peur. Dans plein de films d'horreur, on nous
fait sursauter : c'est l'effet "diable dans sa boîte".
Tout va bien, et tout d'un coup bimbadaboum quelque chose apparaît
et nous surprend. Comme dans cette scène de Resident Evil où un
chien écorché fracasse une fenêtre. Comme dans cette scène de
l'Exorciste
où Regan vomi. On a tous sursauté. Mais c'était pas de la peur,
c'était de la surprise.
La
peur, elle est instaurée par une ambiance, un contexte. Dans le film
L'Orphelinat
de Bayona, une jeune femme commence à travailler dans un endroit
chelou et angoissant. La scène la plus flippante du film, c'est
quand elle entre dans une chambre, filmée depuis l'arrière et
qu'elle ouvre un coffre à jouets. On ne voit pas ce qu'il y a à
l'intérieur. La scène est calme, lente. Rien de brusque, pas
d'effet sonore. Juste une femme dans une pièce, même pas fermée à
clef. Et pourtant, grâce à l'ambiance insufflée durant le film, on
sait que cet événement est central et on a peur pour elle, parce
qu'on la sait vulnérable.
Tout
ça pour en venir au fait que ce genre de peur, il est possible de le
rencontrer dans des jeux vidéo. Dans Dark
Corner of the Earth
on arrive dans la ville d'Innsmouth pour enquêter sur la disparition
d'un jeune homme. Les indigènes sont distants, froids et malsains.
L'idée géniale de ce jeu était de rendre de plus en plus fou le
personnage au fur et à mesure qu'il découvrait la vérité. On
tentait donc de ne pas contempler trop lentement les tableaux
cultistes ou feuilleter trop de pages des grimoires sectaires. Au fil
de l'intrigue, on se retrouve sur une barque, en pleine nuit, pour
rejoindre une île, le pic du diable, où se retrouvent les
autochtones pour un rituel. En route, on voit des petites bulles
apparaître autour de nous. Des poissons sautent dans notre barque. inoffensifs, ridicules, on continue d'avancer. Mais, alors, on
constate que les bulles autour de nous deviennent de plus en plus
nombreuses, et puis de plus en plus grosses. Il se passe rien d'autre
et on arrive au récif. Mais là, rien qu'avec des bulles, le joueur
a vraiment peur. J'ai pu discuter avec les deux autres personnes au
monde qui ont joué à ce jeu et tous ont été marqués par cette
scène. C'était pas grand-chose : des bulles. Pour dire qu'il en
faut peu pour faire frissonner, si c'est bien amené.
Je pourrais encore citer la maison hantée de Vampire
: Bloodlines, extrêment bien scriptée, où des portes qui se renferment
suffisent à notre effroi, la sonnerie qui retentit dans l'école du
premier Silent
Hill
et qui fait apparaître des enfants monstrueux, la progression dans
le terrifiant Amnesia…
C'est cette catégorie de peur qui me plait, opposée à celle des
jeux où on redoute juste de voir débouler un ennemi parce qu'on est
faible face à lui (Condemned, Alien Isolation, Dead Space,…). On
pourrait me faire remarquer que je ne cite pas le parangon de jeu
vidéo d'horreur : Resident Evil. C'est parce que Capcom a
petit-à-petit complétement mis de côté le côté effroi. Qui peut
prétendre avoir eu peur en massacrant des zombies sous le soleil
africain de Resident Evil 5 ?
Bref, faire
ressentir la peur à un joueur, ce n'est pas une histoire de
scénario, de graphisme ou d'univers. C'est juste une question de
sensibilité. Et The Park avait tous les outils en main pour nous
faire frissonner. Mais il a foiré. Il a grave foiré.
Et
toi, tu as déjà eu peur en jouant ?
Note
: Z
Mention : Voyage plutôt à Innsmouth.
Lucien
Le seul jeu qui m'ait fait réellement "flipper", c'est System Shock 2, auquel j'ai joué en 1999 ou 2000. Et par "flipper", je veux vraiment dire avoir la trouille. Lorsque Shodan - l'intelligence artificielle qui cherche à nous éliminer - s'adressait à moi j'avais la chair de poule. J'arpentais les couloirs dévastés du vaisseau spatial "Von Braun" à la recherche de survivants, mais tout ce qu'ils avaient laissé derrière eux c'était des enregistrements audio qu'on écoutait la peur au ventre. Si toi aussi tu veux ressentir la peur, dépêche toi; GOG.com fait une promo en ce moment (valable jusqu'au 10 juin à 15h00). En installant leur client Galaxy (équivalent sans DRM de Steam), tu obtiendras la version remastérisée de System Shock 2 gratuitement. Tu m'en diras des nouvelles ;-)
RépondreSupprimerPerso, j’ai bien trop peur pour essayer ce jeu ! Si je le tente, je vais faire des cauchemars pendant des siècles, lol.
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