La dernière fois que j’avais joué à un FIFA, Beckham n’était pas un mannequin pour slip mais un joueur de football, Ronaldo était brésilien et on était très fiers d’avoir un joueur suisse qui jouait à Kaiserslautern (cf. note 1). J’avais ainsi passé des heures sur Coupe du Monde 1998 à tenter de réparer les erreurs du destin tel un Samuel Beckett (cf. note 2) d’opérette et faire en sorte que la France ne gagne pas cette coupe-là, que Dino Baggio ne tire pas sur la latte en quart de finale. Rien que pour la BO culte de cet opus (cf. note 3), les heures passées devant ces polygones moches à lober les gardiens tous carrés en valaient la peine. Bref, il y avait trois types de choses à faire avec un ballon : passe, tir, lob et on ne pouvait pas faire changer la direction de notre joueur en pleine course. Après ça, j’ai suivi de loin l’évolution des FIFA, dont un cédé qui sentait le gazon quand on le frottait. Je me suis converti brièvement à son rival, PES (anciennement ISS).
Des images atroces, que les moins de 18 ans ne peuvent pas connaître.
Et puis plus rien. J’ai arrêté les jeux vidéo et quand je me suis remis bien plus tard, FIFA m’apparaissait, comme les Call Of ou les Battlefield, l’équivalent vidéoludique des livres de Marc Lévy ou Joël Dicker. Un produit consensuel, commercial, sans âme et calibré. Une machine à fric parmi les œuvres d’art. J’étais donc bien décidé à ne jamais y toucher (cf. note 4).
"Après un long égarement, le retour."
Et puis, par hasard, on me parle du nouveau mode « aventure » de Fifa 17, par hasard, j’affronte un ami chez lui sur la version 16 et je suis épaté par la qualité des graphismes et du soin apporté aux détails, par hasard, je télécharge la démo et pas rasé, j’achète le jeu le jour de sa sortie.
Avant de m’y mettre sérieusement, j’ai décidé de faire un petit match pour voir, découvrir la manière de jouer, les sensations, le gameplay. Six heures plus tard, je me promettais de faire « juste un dernier match » avant d’aller me coucher.
Depuis leur défaite en finale, les joueurs français font Griezmine.
En plus des matchs « classiques », opposant des centaines d’équipes avec leur véritable maillot, joueur et écusson, il existe trois modes de jeu originaux : carrière, FUT et aventure.
"Plus vaste est le temps que nous avons laissé derrière nous, plus irrésistible est la voix qui nous invite au retour."
La carrière, très prenante, permet d’incarner un manager, ou un joueur, ou un entraineur-joueur. J’ai gâché des heures de sommeil à monter une petite équipe de quatrième division anglaise jusqu’aux premières places de la Premier League, à coup de transfert juteux, de recrutement avides et d’entraînement de jeunes gens de quinze ans. Parce qu’en plus de l’intérêt indubitable de faire progresser une bande de bras cassé, il existe une certaine dimension RPG (ou une dimension RPG certaine) dans la mesure où l’on peut, chaque semaine, faire s’entraîner (en jouant ou en le simulant) jusqu’à cinq joueurs pour améliorer quelques-unes de leurs caractéristiques (selon l’entraînement choisi parmi une cinquantaine). Sachant que plus les joueurs sont jeunes et mauvais et plus ils peuvent progresser, qu’un joueur qui a beaucoup progressé se revend bien plus cher, on passe facilement des erreurs à leveler nos ailiers gauches pour les revendre au championnat russe. Les joueurs qui cartonnent verront également leur prix exploser. Déjà de quoi en perdre la tête. Tout cela n’est pas nouveau ni original, mais le soin apporté à cette simulation de gestion (ou gestion de simulation) est déjà un jeu complet en soi. Plus les heures s’écoulent, plus on est lié à notre équipe et plus on veut s’y remettre.
"Lorsque le coeur a parlé, il n'est pas convenable que la raison élève des objections."
Le mode FUT, acronyme bien moche de Fifa Ultimate Team, c’est un jeu de construction d’équipe, surtout sympa en ligne, sur lequel je n’ai pas passé plus de quelques heures. Tous les joueurs présents dans FIFA sont représentés par des cartes, des vignettes PANINI sur lesquelles figurent les caractéristiques principales du joueur et sa tronche. On début avec une équipe de nullards et en enchainant les matchs on gagne du pécule pour s’acheter d’autres paquets de cartes, tenter de pécho de meilleurs joueurs et améliorer son équipe. C’est laborieux, sauf si on décide de payer en vrais dollars européens ces paquets virtuels. Pas convaincu par le principe, pas adepte de l’achat intégré.
Par contre, j’ai dévoré le mode aventure, dans lequel on incarne le jeune Alex Hunter dans ses débuts en Premier League. L’histoire de ce jeune anglais débute en plein match de quartier, alors qu’il a onze ans. Ensuite c’est les sélections, les tests de recrutement qu’on lui fait passer, fébrile. Et puis le choix d’une équipe, nos premières minutes sur la pelouse… Chaque entrée en jeu est synonyme d’objectifs à réaliser et est sanctionnée par une note, qui évolue en temps réel. Quelques tacles loupés, une passe mal ajustée et on voit notre note descendre en flèche. Selon nos prestations en match et à l’entraînement, on passe de la réserve à la titularisation… Ou pas. En plus de cela, entre chaque semaine de jeu, il y a les rivalités à gérer, il faut faire sa place dans l’équipe, via des cinématiques, des dialogues auxquels il faudra savoir répondre pour ménager ses relations mais faire sa place, caresser dans le sens du poil l’entraîneur tout en récoltant les lauriers de notre gloire.
Que l’on choisisse de n’incarner qu’Hunter ou de gérer toute l’équipe lorsque celui-ci entre en jeu, la grande réussite de ce mode aventure, c’est de faire revivre de véritable situation de footballeur. Pas dans le gameplay du jeu. Car FIFA ; ce n’est pas une simulation de football, on le sait. On ne nous met pas à la place du sportif comme dans une simulation de formule 1. FIFA ; comme tous les jeux vidéo de football, c’est une simulation de match de football vu à la télévision, sur lequel on a le contrôle. Mais ce mode aventure, quand il nous fait incarner Hunter, lâché sur le terrain, nous fait ressentir les mêmes doutes et interrogations que lorsqu’on entre nous-même dans un match. À chaque action de jeu avec Hunter, on prend le risque de se planter, de faire faux. Chaque décision doit être pesée : est-ce que je passe au plus vite la balle proprement, ou est-ce que je prends le risque d’attaquer, quitte à perdre le ballon comme une chèvre et passer pour une brelle ? C’est cette petite tension, à chaque fois qu’on a le ballon sur le terrain, que le mode aventure nous fait ressentir. Et ça, c’est vraiment prenant.
L’aventure ne dure qu’une longue saison et on se rend compte malgré tout que l’histoire est très scriptée. Malgré tout, ce jeu ne propose rien que des centaines de matchs, qui s’enchainent les uns après les autres. Les joueurs changent, les stades un peu, quelques événements inattendus surviennent mais tout ce qu’on fait, c’est de faire des matchs, des matchs en encore des matchs. Des dizaines d’heures de matchs. Et alors que j’ai des dizaines d’autres jeux plus originaux et moins connus à découvrir, j’ai couru tout ce temps sur mon écran.
L’expérience en vaut la peine, comme elle l’avait été durant l’été 1998. Pour quelques moments uniques. Les mêmes que l’on recherche en regardant pendant des heures de matchs de football, sur son écran, sans manette en main.
Parce que des fois, en fait, le foot, c’est beau.
Note : 17
Mention : Shaqiri un pied dans ton lit.
Mention : Shaqiri un pied dans ton lit.
Lucien
1 Ciriarco Sforza, qui devint ensuite entraîneur du FC Lucerne, la gloire avec un grand g.
2 Le voyageur temporel de Code Quantum, pas l’écrivain.
4 Et pour vaincre Dim, ISS Deluxe était suffisant (cf. victoire écrasante de la Suisse aux pénaltys contre la Grèce, qui serait champion d’europe six ans après la France championne du monde… Encore une erreur temporelle à corriger).
Joli test ! Heureux de vous savoir un pied dans le XXIe siècle, vous finirez par nous offrir des tests au moment de la sortie des Battlefield et Call of Duty, vous verrez ! Kiss ps : Moi, Alex Hunter de Leicester City, on a loupé le titre (normal j'ai été prêté en seconde division les 3/4 de la saison) mais on a gagné la FA CUP.
RépondreSupprimerEt dire que pendant ce temps, le Didi, y couvait.
SupprimerSalut Yannick! Oui entre deux couvées j'ai eu le temps de me finir deux trois vieux jeux bien merdiques. CIVILIZATION VI J-9!!! Là par contre on sera peut-être pas "Day One"... Lucien peut-être... Mais pour moi ça va être short. Par contre si tu souhaites mettre à profit tes talents, tant ceux de joueurs que ceux de prof d'histoire, pour écrire un petit test ça serait chouette! Je te laisse, il y a un docu sur l'histoire de l'anarchie sur RTS 2! Des bisous!
Supprimer4 jours avant Civilization ma biche ! 😘
SupprimerPetite rectification. C'est n'est pas Dino Baggio qui tire sur la latte, mais son homonyme Roberto Baggio. Mais ça s'était aux USA en 2004. En 2008, c'est leur presque-homonyme Di Biagio qui tire sur la latte en quart de finale.
RépondreSupprimerEt oui, avec des noms aussi proches, il y a de quoi en perdre son latin ;-)
En France, c'était effectivement Di Biagio qui tirait sur la latte en quarts de finale.
RépondreSupprimerPar contre, c'était bien en 1998.
En ce qui concerne Roberto Baggio et sa queue de rat légendaire, c'était pas sur la latte qu'il tirait en 1994 (pas en 2004) en finale contre le Brésil, mais bien, bien au-dessus du cadre.
Merci de nous lire si attentivement !
Hehe, je ne raterais vos tests pour rien au monde :-)
RépondreSupprimerPff, j'ai écrit 2004 et 2008, mais je voulais évidemment dire 1994 et 1998. Rah, ça m'apprendra à me relire ;-)