TEST - The Elder Scrolls V - Skyrim : Special Edition



Eloge de ma faiblesse

Lucien (né en 120) : Pourquoi diantre m’avoir choisi pour ce type d’exercice, moi, et non pas l’un de mes camarades grecs ?
Lucien (né en 1983) : Parce que je trouvais marrant de tenir un dialogue avec un homonyme.
Lucien : Oh, tu sais, à l’époque on l’était tous un peu.
Lucien : Non, j’ai dit « homonyme ».
Lucien : Au temps pour moi, n’empêche que quitte à utiliser un philosophe hellène, tu aurais pu choisir Socrate ou Platon, les bougres ont mieux réussi que moi à garder leur réputation éclatante à travers les siècles. Tandis que moi, de quoi se souvient-on ? Que reste-t-il de moi ?
Lucien : Ouais, alors sans vouloir paraître grossier, je pensais juste vous utiliser comme prétexte pour présenter un jeu vidéo. Je cherche des approches originales et j’ai pensé qu’un dialogue platonicien ça serait marrant.
Lucien : Un dialogue lucienique, en l’occurrence.
Lucien : Un dialogue double-lucienique même.
Lucien : Lol.
Lucien : Tu utilises « lol », toi ? Sérieusement ?
Lucien : Faut rester à la page, malgré la mort et les millénaires. Ca t’a pas perturbé que je sache ce qu’est un jeu vidéo mais tu perds les pédales parce que j’utilise « lol ».
Lucien : C’est vrai, j’avais pas fait attention. 
Lucien : Alors dis-moi, Lucien né en 1983, de quoi voulais-tu parler ?
Lucien : Cher Lucien né en 120, je voulais parler de la culpabilité qui me submerge, de la faiblesse qui me ronge, de la lâcheté qui me noie.
Lucien :  Fichtre ! Qu’avez-vous donc commis, bougre d’âne ?
Lucien : J’ai acquis la version HD de Skyrim la semaine dernière.
Lucien : Et alors, n’êtes-vous pas familier à l’acquisition de jeux à un rythme mensuel ?
Lucien : Oui, mais celui-ci… Je l’avais déjà acheté deux fois, en 2011 puis en 2013. J’y ai passé tant et tant de temps…
Lucien : Voilà qui est curieux. 
Lucien : J’ai grave craqué, ouais.
Lucien : Et vous y avez beaucoup joué depuis ce troisième achat ?
Lucien : Mon vieil ami homonyme, j’y ai passé des heures par paquets de douze.
Lucien : Expliquez-vous, Lucien de 1983, dans quelles circonstances vous avez fait cette acquisition. Au lieu de vous juger, je vais tenter de vous comprendre. Comprendre, c’est pardonner, voyez-vous.
Lucien : Oui, je sais, merci. J’ai lu Spinoza.
Lucien : Mince, vous saviez que c’était de lui.
Lucien : Oui.
Lucien : N’empêche, allez-y.
Lucien : Je savais depuis quelques temps qu’un Skyrim adapté à la puissance de la PS4 était sorti. Je pensais peut-être l’acquérir un jour, un jour lointain où il ne coûterait plus quatre-vingts francs suisses mais une vingtaine de francs. Quelques fois, je fus tenté de l’acheter, mais je l’ai toujours reposé. Et puis, un triste soir d’automne, je découvris que plein de jeux étaient en solde. J’ai acquis pour une poignée de pain X-COM 2, Far Cry Primal, …
Lucien : Excuse-moi, je vais à l’encontre de la plus importante des règles du dialogue platonicien mais je ne résiste pas à l’envie de t’interrompre. Tu as acheté Far Cry Primal ? Ca m’étonne de toi. Même transposé à l’âge de pierre, ça reste un vieux FPS-craft-explo.
Lucien : Et bien figure-toi que je voulais savoir pourquoi tant de joueurs, camarades et proches appréciaient ce titre. Comprendre, c’est pardonner, tu te souviens ? Et puis, par faiblesse, j’ai ajouté Skyrim dans mon panier virtuel.
Lucien : Purée, tu veux dire que tu ne l’as même pas acheté en boîte ? Un tel jeu ?
Lucien : Cet acte ne fait qu’ajouter au gâteau de ma honte une cerise d’amertume. Voilà comment j’ai succombé. 
Lucien : Si je comprends bien, tu as acquis à vil prix un jeu que tu voulais de toute façon t’offrir, je ne vois pas où est le mal.
Lucien : J’ai déjà passé des jours, peut-être des semaines à explorer Bordeciel, à flâner dans les bois, m’aventurer dans les donjons, traîner dans les bas-fonds des grandes villes, payer des bardes pour qu’ils me chantent pour la centième fois « Ragnar le rouge », à créer des milliers de potions, enchanter des tonnes d’armes que j’enchanterais, à remplir mes maisons de fromages, de femmes et d’enfants, chasser les dragons et les draugrs, écumer…
Lucien : Oui, oui, j’ai compris l’idée. Tu y as déjà beaucoup joué. J’ai compris pourquoi tu l’avais acheté mais je ne comprends guère pourquoi tu y joues encore, avec tant d’avidité ?
Lucien : C’est là le propos de cette discussion. Je ne me l’explique pas. Tout, j’ai tout retrouvé : l’émotion lorsque l’on suit à croupetons la personne que l’on souhaite détrousser, le fracas des combats, la beauté de l’exploration…
Lucien : La beauté ? Voilà certainement une piste. Skyrim doit certainement être beaucoup plus beau sur PS4.
Lucien : Oh oui, mille fois oui. Tout est enjolivé, les visages, les textures, les monstres, les livres, les objets, les grottes, les donjons, les écailles, les poils des trolls de glace, … Et il y a des tas de détails ajoutés qui renforcent l’immersion déjà incroyable il y a cinq ans : des chauve-souris qui volent sur nous à l’entrée d’une caverne, un gigantesque arbre déraciné qui traîne derrière la cabane d’un chasseur, un poisson effrayant empaillé chez une sorcière… Oui, le jeu est bien plus beau.
Lucien : Tu crois que c’est pour cette beauté qu’il faut rejouer à Skyrim aujourd’hui même en l’ayant écumé de fond en comble ?
Lucien : Non, je crois qu’il faut y rejouer parce que c’est Skyrim. En 2011, en 2016, peu importe. Même en 1996 il aurait été le meilleur jeu du monde.
Lucien : Alors la beauté ne compte pas ? La beauté ne sert à rien ?
Lucien : Au contraire. Elle sublime un jeu d’une richesse infinie, et j’utilise cet adjectif en connaissance de cause. Mais ce n’est que la forme, d’autres jeux sont magnifiques. Mais le fond, l’essence de Skyrim, elle est unique. Je l’ai découverte avec Morrowind, en 2002, le jeu que j’ai le plus attendu de toute ma vie. J’avais seulement lu une preview dans un vieux numéro de Backstab et la perspective de pouvoir créer le personnage de mon choix, d’évoluer dans un monde ouvert où je pouvais faire tout ce qui me plaisait : tuer un aubergiste, voler un roi, devenir archer, alchimiste ou guerrier, ça faisait rêver le rôliste frustré qui était en moi. Après la claque de Morrowind, Oblivion m’avait déçu mais Skyrim… Il a dépassé toutes les attentes. 
Lucien : C’est vrai qu’il a beaucoup influencé les RPG qui sont sortis depuis 2011. 
Lucien : Pas seulement les RPG, des tas d’autres jeux ont pompé des mécaniques RPG depuis Skyrim : tu te rends compte ? il y a un arbre de compétence dans le dernier FIFA ! 
Lucien : Et des choix de dialogue à faire entre deux cinématiques !
Lucien : Exactement, le jeu de rôle est devenu la référence, et c’est grâce à Skyrim. Des tas de RPG tentent de l’égaler sans oser l’avouer depuis qu’il est sorti, alors au lieu de jouer à un ersatz récent de Skyrim, autant l’acheter en HD et s’y perdre une nouvelle fois.
Lucien : Et comme tu connais le jeu par cœur, ça doit être bonnard de recommencer en connaissant plein d’astuces.
Lucien : C’est clair. Ce jeu est tellement riche qu’il y a des tas de petites feintes.
Lucien : Genre ?
Lucien : Genre que le stock des marchands respawn si on attend 42 heures (ou si on sauvegarde, qu’on les tue puis qu’on recharge la partie), qu’un peu de poison paralysant sur la première flèche tirée rend l’archer complétement cheaté, qu’on peut empoisonner deux armes à la fois si on le fait depuis l’inventaire, qu’on peut tuer n’importe qui en toute légitimité si on le rend bersker juste avant, qu’on peut terminer le jeu à poil et sans tuer personne, qu’il faut acheter une maison le plus vite possible, que le contenu des coffres s’améliore avec les niveaux, alors qu’il vaut mieux les garder fermés et revenir au niveau 50, qu’il ne faut jamais dépenser de points en endurance car la bouffe est super cheaté, que donner de l’argent aux mendiants booste l’éloquence, alors qu’il faut toujours le faire avant d’acheter une maison ou un cheval, qu’on peut éviter les boucliers magiques en balançant des sorts sur le sol, qu’on peut voyager rapidement sur la map même encombrée si on est sur un cheval, que les compagnons peuvent être chargés de tout notre matos, que les potions de régénérations sont cent fois plus utiles que les potions de soin, qu’utiliser une torche en crochetant une serrure rend cela plus facile, que le tu-um empêche les mages de balancer leurs sorts, qu’il vaut mieux vendre en plusieurs fois le matos onéreux pour faire monter l’éloquence…
Lucien : Ca fait envie.
Lucien : Grave.
Lucien : Tu arrives à avancer FFXV quand même ?
Lucien : Oui, un peu. Je me suis levé plus tôt.
Lucien : Oye ! Ca t’étais pas arrivé depuis longtemps de te lever pour faire un jeu vidéo.
Lucien : La dernière fois c’était pour Fallout New Vegas.
Lucien : Et Skyrim, non ?
Lucien : Et Skyrim. Bien sûr.

Lucien : Lucien né en 1983, je crois qu'il faut encore que tu donnes une note et une mention, sinon Dimitri va te courir après.
Lucien : Bien vu Lucien né en 120. 

Note : 2016

Mention : Légendaire.

Lucien

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