TEST - Jurassic Park


Si j'avais su parler l'allemand, je serais peut-être devenu paléonthologue. Les études étaient à Zurich, ou à Lucerne, alors c'était impossible. Ou alors, je me suis servi de cette excuse pour expliquer à mon moi de dix ans pourquoi je ne suis pas en train de déterrer des os de vélociraptors, comme je le rêvais durant mon enfance. N'empêche que durant ma haute enfance, j'étais complètement mordu par les dinosaures, la faute à la sortie du divin Jurassic Park en 1993. Cet amour des reptiles géants ne m'a pas complètement quitté, il est réapparu parfois dans ma vie, au détour d'un hobby, là où je ne l'attendais pas, où je ne l'attendais plus : j'ai choisi de jouer avec lizardman dans Soul Calibur, ou bien de peindre des hommes-lézards à Warhammer. J'imite aussi le roucoulement du raptor pour jouer avec les enfants.
Bref, j'adorais les dinosaures et Jurassic Park. Mon plus fabuleux trésor, à dix ans, c'était une poignée de crayons de couleur estampillés JP, avec des petites gueules de dilophosaures mal dessinées dessus. Je les gardais précieusement dans ma trousse d'école, sans trop les tailler pour ne pas les faire lentement disparaître. Il existait déjà, à l'époque, le jeu SNES de Jurassic Park. Mais je ne le possédais guère et n'avais aucune chance de l'avoir. Noël c'était loin, mon anniversaire c'était passé, et surtout, il était introuvable à la Migros du Locle, l'unique endroit où ma mère allait faire ses courses. Même sur un malentendu miraculeux, je ne pouvais l'obtenir. Toutefois, j'approchais certaines fois le Graal : le fils d'un couple d'amis de mes parents le possédait. Et comme il trouvait mes jeux pas assez biens pour lui (je devais avoir FIFA et We're Back, les jeux offerts avec la SNES), il emportait dans son escarcelle ses propres jeux quand il accompagnait ses parents chez nous. Et ce petit trou du cul prétentieux venait à chaque fois avec son Jurassic Park.
J'ai tout tenté pour le convaincre de me prêter son jeu. En vain. J'ai tenté d'échanger subtilement sa cartouche avec une des miennes. En vain. J'ai même beaucoup réfléchi à la possibilité de dévisser le devant de la cartouche et l'échanger avec une autre afin de pouvoir garder Jurassic Park en ma possession. Même quelques jours. Pouvoir y jouer plus de quelques minutes. Mais je crois bien qu'il se serait douté rapidement de ma piètre supercherie.
Alors, j'ai accepté mon sort, et je ne jouais que très rarement. Je rêvais du "welcome to Jurassic Park" qu'on entendait au début. Je dessinais des map du jeu quand j'étais voué à regarder ce médiocre camarade jouer devant moi, et après, j'essayais de l'apprendre par cœur. Pour que quand je pourrais enfin rejouer à ce jeu, je sois le plus efficace possible. Et que je ne meure pas trop vite, pour ne pas devoir lui repasser la manette trop tôt.
Mon acharnement a payé.
J'ai pu terminer ce jeu, réputé très difficile, en y jouant aussi spasmodiquement que ça.
C'était un après-midi d'été. Tout le monde partait à la piscine, ou aux foins et j'entendais les adultes m'appeler. Mais j'étais enfin à la fin du jeu. Alan Grant et son chapeau avaient atteint le H blanc de l'hélico, j'avais tous les œufs de raptors, il pouvait quitter sain et sauf Isla Trucmachin.
Puis un adulte est arrivé, a tout éteint et j'ai juste pu voir un dézoom sur l'île, rien de plus. Le coït était interrompu.
Vingt-deux ans plus tard, j'ai recommencé ce jeu pour le savourer autant que je voulais et bien admirer la fin de celui-ci. Autant dire tout de suite que je respecte beaucoup mon moi de dix ans. Impossible de savoir quoi faire dans ce jeu. La map est pas gigantesque, les continues illimités, mais il faut sans cesse faire des allers-retours pour trouver la bonne carte magnétique, la bonne ID, etc. Les passages en vue subjective qui me semblaient super effrayants et immersifs sont en fait tout facile, les dinos ne réagissent pas tout de suite. Mais surtout, la scène de fin que je croyais avoir vue seulement en partie… Bin je l'avais vue dans son intégralité. Après s'être cassé le pompon si longtemps, tout ce qu'on nous montrait, c'était la scène d'intro inversée : l'île et le logo Jurassic Park qui s'éloignaient.
Tout ça pour ça. 
Dire que des terribles déceptions m'attendaient encore à l'époque, nommées notamment Trespasser et Lost World. Je ne sais pas comment j'y ai survécu.
Note: -65'000'000
Mention: Préhistoludique.
Lucien

Lucien

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